L’impossible printemps des Afghanes exilées à Lille - Le Monde Le Mag du 21 avril 2025
Célébré le premier jour du printemps en Afghanistan, Norouz, le Nouvel An perse, est par essence porteur d’espoir. Mais, depuis septembre 2021, Maryam, Sakineh, Atiyeh et Jamila le fêtent loin de leur terre. Les quatre femmes ont fui le pays peu après la chute de Kaboul. En France, elles tentent de se reconstruire et assistent impuissantes au sort de leurs compatriotes, restées captives des talibans.
Maryam Gholamali a disposé des plantes partout dans son appartement : dans la salle de bains, sur sa bibliothèque, au bord des fenêtres, sur sa table, et même à l’extérieur, devant sa porte d’entrée. « A Kaboul aussi, j’en avais plein. Elles ressuscitent en moi la joie de la vie », confie l’Afghane de 34 ans, exilée à Lille depuis la prise de pouvoir des talibans, en août 2021. Son studio, installé dans un ancien hôpital reconverti par la mairie en hébergements pour demandeurs d’asile, dans le quartier du Grand Palais, est baigné de lumière. « Je me suis battue pour avoir le logement le plus lumineux possible », glisse-t-elle.
En septembre 2021, Maryam Gholamali a rejoint ici d’autres Afghans travaillant, comme elle, dans le milieu du cinéma. Les ouvriers étaient encore en train de repeindre les murs. Aujourd’hui, les anciennes rampes de l’hôpital courent toujours le long des couloirs. « Quand j’ai atterri à Lille, c’était le début de la grisaille. Il pleuvait sans arrêt. Mon premier studio était sombre, comme mon état mental. Je me rendais aux cours de français organisés par la mairie, mais je n’y comprenais rien », se souvient la jeune femme aux yeux bridés et aux pommettes saillantes, des traits typiques des Hazaras, la minorité ethnique chiite d’Afghanistan.
Depuis leur entrée dans Kaboul en 2021, les talibans sunnites s’en prennent, comme lors de leur première prise de contrôle du pays en 1996, non seulement aux femmes mais aussi à la communauté hazara. Pour Maryam, vivre en Afghanistan n’était plus envisageable. L’arrachement brutal à son pays a provoqué chez elle de violentes crises de panique. « Je n’arrivais pas à dormir. Dès que je fermais les yeux, je faisais des cauchemars », raconte-t-elle.

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