L'Edito du weekend : LA THÉRAPIE DE CHOC DU DOCTEUR DE MEO POUR KERING
2025-10-13 11:39:00
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2025-10-13 11:41:07
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Marion Hirsch
Le rendez-vous des décideurs du luxe LE RDV DES DÉCIDEURS DU LUXEL'ÉDITO DU WEEK-END La nomination de Luca de Meo à la tête de Kering a aussitôt électrisé la Bourse. Depuis l’annonce de son arrivée mi-juin, l’action Kering a regagné environ +50 %. Un sursaut porté par la « magie De Meo » et l’espoir d’une Keringlution en écho à la Renaulution qu’il mena chez Renault, pour enfin exaucer le vœu d’un actionnaire lors de l’assemblée générale : « Luca de Meo, faites que l’action Kering soit plus attractive et plus désirable que jamais, et rendez-nous la fierté d’appartenir à un grand groupe familial de luxe, apte désormais à jouer dans la cour des grands : LVMH et Hermès. » L’heure n’est plus aux effets d’annonce, mais au sang et aux larmes pour sauver le soldat Kering. L’ordonnance du “docteur De Meo”, déjà fuitée dans la presse avant son annonce officielle, témoigne d’une lecture lucide et courageuse de la crise systémique que traverse le luxe en 2025.LE DIRECTEUR ARTISTIQUE DESCEND DE SON TRÔNELuca de Meo acte la fin d’une ère : celle du directeur artistique tout-puissant régnant sans partage. Désormais, le créatif ne dictera plus seul la loi. Selon le diagnostic établi, la vision du directeur artistique est idéale pour 20 % des produits, les pièces les plus créatives et emblématiques mais les 80 % restants (petite maroquinerie, chaussures, prêt-à-porter “portable”) doivent relever du bon sens, d’une compréhension fine des attentes clients et du respect de la plateforme de marque, un principe dont certains directeurs artistiques n’ont, disons-le, que faire. En clair, l’inspiration hors sol laisse sa couronne à la réalité du terrain. C’est un changement culturel majeur pour certaines maisons de luxe qui avaient sacrifié le sens pratique sur l’autel d’une désirabilité de cour. Le luxe retrouve ici le bon sens qu’il avait perdu de vue. Fini le temps où une marque s’alignait aveuglément sur le caprice d’un créateur-star ou les louanges d’un cercle de commentateurs branchés. Il s’agit désormais d’écouter un peu moins les oracles de la hype et beaucoup plus les clients fidèles qui font vivre la maison. Cette nouvelle répartition des rôles : 20 % de pur créatif, 80 % de pragmatique signifie concrètement que le directeur artistique redescend de son trône pour partager le pouvoir avec le client. C’est la fin du monologue créatif : place au dialogue, à la résonance avec le marché.LE CLIENT-CENTRIC DU LUXE… POUR DE VRAI“Client-centric” : tout le monde en parle, Luca de Meo veut le faire. Son ordonnance, c’est la révolution du luxe centré sur le client, appliquée sans compromis. Deux axes structurent cette approche. Premier axe : la réorganisation des marques autour des désirs réels du public. Fini le temps des offres décidées en vase clos : chaque maison du groupe devra se recentrer sur ce que veulent vraiment ses clients, quitte à revoir drastiquement son assortiment. Luca de Meo l’a souligné sans détour : il faudra prendre des décisions claires et fortes, et “rationaliser, réorganiser et repositionner certaines de nos marques” si nécessaire. Le message est limpide : aucune filiale n’est sacrée si elle n’est plus en phase avec le marché. Deuxième axe : accélérer le rythme. Il prescrit de doubler la cadence des collections et des produits. Il envisage de diviser par deux le délai de mise sur le marché, le faisant passer d’un an actuellement à seulement six mois. Une telle accélération oblige à repenser toute la chaîne de création, de production et de distribution pour gagner en agilité.LA COMPRESSION DU TEMPS, ATTENTION DANGER PERCEPTIONCette rapidité retrouvée, si séduisante en apparence, flirte dangereusement avec une logique de Fast Fashion à un moment où le produit de luxe traverse une véritable crise de la valeur. Le danger, c’est qu’en voulant réinjecter du rythme, on dégrade la valeur perçue. Hermès l’a parfaitement résumé : le luxe est devenu trop souvent « expensive », quand il devrait rester « costly » c’est-à-dire porteur d’un coût réel, d’un temps, d’un savoir-faire, d’une âme. Car l’accélération du temps abîme la valeur du luxe. La résonance du message d’Hermès qu’il faut 20 heures pour confectionner un Kelly, à la main, par un seul artisan résonne alors comme un manifeste contre la vitesse. Un rappel salutaire que le vrai luxe, c’est le temps pris… pas le temps gagné. Cette thérapie de choc a un objectif clair : rendre Kering à nouveau réactif, capable d’épouser les désirs mouvants des clients au lieu de leur imposer ses caprices. Si la potion est amère, c’est qu’elle est à la mesure du mal et peut-être du salut du patient Kering.
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